David Wahl est auteur, metteur en scène et comédien. Depuis 2013, il crée des Causeries, récits théâtraux qui cherchent à mettre en lumière des histoires oubliées, des faits surprenants ou des découvertes scientifiques confidentielles. Les boules de cristal, la disparition du Grand Pingouin, la danse spirituelle, les déchets ou les minéraux sont autant de sujets qui entremêlent les sciences et les arts pour changer notre regard sur le monde. En 2019, il devient le premier artiste associé à Océanopolis, Centre National de Culture Scientifique dédié à l’Océan, situé à Brest.
Quelle sensation t’inspire le monde d’aujourd’hui ?
Comme c’est mon monde, il me semble vain de le comparer avec une expérience du monde d’avant ou d’un hypothétique monde d’après. Il est certain que nous vivons une époque particulière non pas parce qu’elle est balayée par des événements tragiques comme bienheureux, cela est une constante de l’Histoire, mais parce que nous découvrons que nous sommes une espèce en danger et dangereuse.
Pour la première fois, nous faisons l’expérience que nos activités et nos désirs ont un impact sur notre surface de vie et pourraient nous anéantir ; que la Terre qui nous porte est fragile. Bruno Latour parle très bien de ce choc et le compare à celui provoqué par Galilée lorsqu’il a confirmé que la Terre tournait autour du soleil, et n’était ni le centre du monde, ni celui de l’univers.
Quel paradoxe ! Nous n’avons jamais autant percé de mystères, tous les jours nous approfondissons les découvertes extraordinaires que nous faisons, de la physique quantique à l’infiniment grand en passant par l’intelligence artificielle ou les fonctionnements des écosystèmes écologiques, et dans le même temps, nous nous engageons sur le chemin d’une potentielle catastrophe. Nous ne cessons de trouver de nouvelles choses et de faire un inventaire de la perte.
Comme le dit le neurobiologiste Alain Prochiantz, dans Qu’est-ce que le vivant ?, l’Homme est un animal tragique. Au fur et à mesure qu’il avance, qu’il progresse, qu’il s’assure des fruits de son intelligence, il prend encore davantage conscience de sa finitude, de sa fragilité. Il est rongé par l’angoisse. Ce qui le rend bien seul en ce monde.
Lors d’une expédition que j’ai suivie à bord du Pourquoi pas ? 1, j’ai pu observer, tapissant à des profondeurs vertigineuses les parois d’une cheminée hydrothermale, des milliers de crevettes abyssales entassées dans un couloir d’eau chaude bien spécifique dont elles ne peuvent s’éloigner sous peine de mourir de froid. Elles vivent les unes sur les autres. Elles sont aveugles et sous-traitent leur appareil digestif à des bactéries qui mangent pour elles. Elles ont des pattes mais ne marchent pas, elles ont des yeux mais ne voient pas, elles ont des bouches mais ne mangent pas.
Par anthropomorphisme certainement, je me suis exclamé : « Mais quelle vie affreuse ! » La scientifique m’a immédiatement répondu : « Peut-être sont-elles tout simplement heureuses d’être là ». Cette réponse a été un électrochoc. Peut-être vivent-elles, en effet, dans un état d’absolue béatitude. L’être humain est tragique : il n’atteindra jamais cette ataraxie… d’autant qu’il sait désormais qu’il peut disparaître avec son monde !
1. Le Pourquoi pas ? est un navire océanographique français de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) et de la Marine nationale. (Retour au texte ↺)
Cette conscience n’est-elle pas paralysante ?
Je crois que l’Homme a compris dès sa naissance que sa relation au monde était bien différente de celle des autres êtres vivants. Prenez le mythe Ô combien fascinant de la Genèse. Dans le jardin d’Eden, avant de goûter à l’arbre de la connaissance, l’homme et la femme vivent en harmonie avec la nature.
C’est précisément lorsqu’ils mangent le fruit de l’Arbre qui leur permet de distinguer le Bien du Mal et leur apporte ainsi savoir, conscience et raison, qu’ils se séparent du reste de la nature. Ils quittent alors leur foyer ou plutôt leur terrier originel. Leur intelligence toute neuve leur a fait deux cadeaux terribles : le sentiment de solitude, et l’angoisse créatrice qui la seconde. C’est en ce sens que Prochiantz affirme que l’être humain est anature par nature, soulignant également qu’il est le seul à même de réaliser sa solitude.
C’est très angoissant mais est-ce paralysant ? Cette angoisse de la solitude provoque à rebours un désir inépuisable de reliance, de connaissance. Connaissance qui, cependant, nous échappera toujours… J’aime beaucoup cette pensée de Pascal qui écrit que tout notre malheur tire son origine du fait que nous « sommes incapables de savoir certainement et d’ignorer absolument ».
Aujourd’hui par exemple, notre malaise vient de ce que nous ne pouvons pas ignorer les catastrophes en cours et, en même temps, nous ne pouvons pas formuler de réponses parfaites car nous ne sommes pas omniscients. L’innocence ne fait pas partie de notre rapport au monde. Nous convoquons des forces qui nous dépassent, comme l’énergie nucléaire. C’est également cela qui nous confère une destinée épique et si passionnante.
Ton travail consiste-t-il à tisser des liens avec le monde pour éviter cette potentielle paralysie ?
Disons qu’éprouver une telle sensation de faillibilité et de mortalité, c’est faire l’expérience vertigineuse du néant. Cela a toujours été le cas mais cette fois-ci l’expérience de la fin est d’autant plus violente que nous en sommes les principaux responsables. Or, comme en littérature, la disparition est éloquente. L’absence est une présence hurlante. Nous sommes toujours à la recherche de ce que nous avons perdu.
Aujourd’hui, la société est consciente de la perte mais elle n’a pas encore intégré les conséquences que celle-ci entraîne. Alors pour éviter l’atonie, donner du prix au monde dans lequel nous vivons, je tente de stimuler notre désir, partant du principe que tout désir est un désir de connaître, et le désir de connaître, un désir d’amour.
Je construis mes textes à partir d’enquêtes, de rencontres avec des chercheurs, des scientifiques. Je ne suis pas scientifique moi-même. Je ne cherche pas à transmettre ou à vulgariser un savoir, mais plutôt à partager l’émerveillement que j’ai eu à le découvrir ou à le recevoir. À le mettre en relation avec des questions concrètes, intimes.
Ce qui m’intéresse, c’est la construction émotionnelle du savoir, sa valeur littéraire et d’invocation. Tisser des récits revient à tisser des relations avec tous les éléments qui nous entourent. À travers la mise en histoires du monde, capacité propre à l’Homme, nous créons une relation intime avec lui. Les émotions nous rattachent à notre environnement, nous le font aimer. La puissance de ces récits est inouïe car en tant qu’êtres conscients, nous jouissons d’une position unique, celle d’observateur du monde.
L’angoisse et le danger, c’est de rester dans un face à face avec le réel sans pouvoir s’y relier. Or, la science ne peut pas faire cela. Seule la mise en récit permet de tisser ce lien émotionnel avec le réel, de gommer la distance de l’observation sèche. L’art permet « d’être parmi ».
Après la révolution galiléenne, écrit Latour, les arts — les peintres maniéristes ou la philosophie avec Pascal par exemple — ont seuls réussi à consoler par l’affect nos esprits paniqués de n’être plus au centre de l’univers, livrés à un terrible sentiment d’abandon, loin de l’œil protecteur du Créateur. Les récits sont des puissances de réconciliation. Cet émerveillement crée un lien charnel au monde.
Avec La Visite curieuse et secrète, David Wahl plonge au cœur du monde marin et des manchots pour se demander pourquoi notre relation avec ces animaux relève de la haine et de la méfiance. Cette exploration, comme toutes les autres, suit les préceptes des auteurs classiques du XVIIe siècle : plaire pour instruire. Avec David Wahl, les anecdotes comme les récits populaires, souvent présentés avec humour, font écho à de nombreux travaux scientifiques pour mieux mettre en valeur des vérités oubliées ou malheureusement inconnues.
Les récits actuels sont-ils déficients ?
Je ne veux pas porter de jugement ou d’injonction moralisante. Mon travail consiste à partager des étonnements et de nouvelles histoires. Au fond, je reste persuadé que dans l’œil d’un enfant comme d’un adulte, le décollage d’une fusée, la vie d’une girafe, un éclat de granit, sont aussi captivants.
Le tour de force de l’art réside dans cette capacité à nous étonner de tout ce qui nous entoure, sans aucune exception. Une fois sublimés, notre regard se pose attentivement sur ces expériences et objets. Et, une fois le regard posé, la réflexion peut commencer. Je ne crois pas qu’une époque ait plus mal pensé le monde qu’une autre.
Aujourd’hui, nous jetons la pierre sur Descartes et sa vision mécaniste de la nature. Il faut se prémunir de ces jugements a posteriori. Après la révolution galiléenne, nous avions un besoin impérieux de redéfinir ce qu’était l’Homme et sa conscience. Ce que je veux dire c’est que la pensée émanant d’une époque, et la vision qui en découle, se forgent en interaction avec l’environnement.
« Être vivant », c’est être doué d’une grande plasticité, en dialogue avec le monde qui nous entoure. Dans L’évolution créatrice, Bergson écrit que « La forme n’est qu’un instantané pris sur une transition ».
Nous devons à notre environnement la forme que nous avons et tout est toujours en mouvement. L’intrication entre nos vies et les écosystèmes terrestres est totale. La continuité est absolue. Nous ne cessons de nous recréer ensemble. Nous le comprenons de mieux en mieux et de plus en plus.
Je ne pense pas qu’il soit responsable de s’auto-flageller en permanence dans une vision millénariste et nihiliste, sans aucun espoir de salut. Sombrer dans une haine de l’Homme, marteler que c’est une crapule, à nous laisser aller à cela, nous refusons de facto toute tentative d’améliorer les choses. Nous perdons.
La réconciliation avec le monde passe par une réconciliation avec nous-même. Il faut avoir une juste vue de qui nous sommes en évitant que nos fautes et nos erreurs nous coupent de nous-mêmes. Nous devons nous tendre vers la possibilité de faire autrement et d’inverser les choses.
Certes, mais n’est-il pas déjà trop tard ?
Une approche de la valeur du monde selon la classification entre vivant et non-vivant est peut-être devenue caduque. Ce serait tellement salvateur d’étendre notre communion avec le vivant à celle de l’inerte, du minéral, bref de la Terre, qui nous porte et nous supporte. Je pense à la philosophie de Heidegger ou Lorenz B. Puntel.
Heidegger développe sa pensée et sa communion avec le monde par le « il y a ». Être c’est ce qui s’incarne dans la saisie du « il y a ». Parce qu’il y a de la présence, il y a de l’être. Il y a des humains. Il y a des animaux. Il y a des pierres. Il pense la valeur de tout ce qui est au monde, donc tout ce que l’on perçoit, non pas en fonction du degré d’évolution ou de complexité des formes vivantes, mais comme un tout en relation avec ses parties, un tout fondé sur la simple présence de tout ce qui le compose.
Tous les phénomènes de l’univers, à savoir les vivants, les choses, les faits présentent le fait commun « d’être là ». Et saisir ce fait « d’être là » tous ensemble, présent à un même monde, élargit nos perspectives relationnelles, notre compréhension intellectuelle et émotionnelle d’un écosystème. Dès lors, il est possible de se laisser bercer par une dimension universelle de l’Être dont nous faisons tous partis et dans laquelle nous sommes en interaction avec tous les autres êtres, vivants ou non.
Puntel définit ainsi cet Être — c’est-à-dire ce qui nous traverse tous, qui nous est commun, à nous qui sommes là dans le cosmos — comme « la connectivité de toutes les connectivités ». C’est très beau. De nos façons d’appréhender le monde, découlent nos sensibilités. J’évoquais Descartes tout à l’heure. Il refusait d’attribuer une âme aux animaux.
Mais, à la même époque, Pierre Borel, anatomiste du Roi sous Louis XIV, écrit sur la sexualité des pierres. Quelques années seulement après, Leibniz développe son concept de monadologie dans lequel tous les étants sont doués d’une existence et plus encore qu’ils ont une tendance à l’action, tendance qu’il nomme « appétition ». On lui prête une phrase que je trouve magnifique : « Le marbre a ses idées aussi, quoique extrêmement confuses ».
D’autres récits, parfois des récits alternatifs, dans lesquels puiser une inspiration pour le présent, existent dans notre mémoire collective, il suffit de les retisser et de les faire à nouveau émerger. Ces liens avec les autres êtres sont une belle façon de découvrir que l’être humain est une variation parmi tant d’autre d’un patron commun, d’un « élan créateur »comme dirait Bergson… et qui dévoile nos origines.
Et d’où venons-nous ?
Du minéral ! Toujours lors de l’expédition sur le Pourquoi pas ?, une scientifique spécialisée en géothermie m’apprend que les premières molécules carbonées seraient peut-être issues d’une altération des roches basaltiques avec leur magma, et ainsi que les premières molécules nécessaires à la vie seraient nées du minéral. Quelle révélation… le minéral serait notre plus ancien ancêtre !
J’y ai tout de suite vu le lien avec les mythes fondateurs et notamment le rapport à l’argile à partir duquel, par exemple dans la Genèse, Dieu façonna l’Homme. Quand j’ai creusé cette piste avec le sculpteur Olivier de Sagazan pour créer le spectacle Nos cœurs en Terre, nous avons collaboré avec le géologue Patrick de Wever, également professeur au Muséum national d’histoire naturelle.
Les liens entre le minéral et le vivant sont extraordinaires. Les biologistes parlent de pensée du vivant dès lors qu’il y existe une capacité d’adaptation à leur environnement. Tout être vivant pense donc en fonction de son environnement. C’est le rapport adaptatif qui justifie l’existence d’une pensée. Avec une telle définition, nous voyons immédiatement qu’il existe une continuité très importante entre le vivant et son milieu.
Comment tracer une ligne entre ces deux mondes ? Très difficile… Et maintenant, que dire du minéral ? Celui-ci change-t-il au contact du vivant ? Oui, il est aussi en interaction avec nous. La vie a diversifié et enrichi considérablement le nombre d’espèces minérales, avec la fossilisation bien sûr – le calcaire – mais également par le processus d’oxydation des roches causé par le rejet dans l’atmosphère d’oxygène, issu de la respiration des premières bactéries.
Le souffle des vivants a créé de nouvelles roches ! Il existe ainsi une hybridation, et parfois même une fusion intime, entre ces deux mondes. L’Homme fabrique déjà du minéral : squelette, dents… On appelle ça la biominéralisation.
Dans le spectacle, nous parlons plus poétiquement de rapports sexuels sans sexualité. L’environnement ne doit surtout pas être considéré comme un entourage. Il est profond, et fondateur de ce que nous sommes. Donc, il existe un esprit de reliance entre lui et nous. Nous ne pouvons pas vivre sans lui. Faire autrement est impossible.
Dans Nos cœurs en Terre, David Wahl et Olivier de Sagazan, sculpteur et performeur, interrogent notre filiation au minéral. Dans un spectacle poétique, les deux artistes donnent à voir la fusion possible entre le vivant et l’inerte.
Imagines-tu un renforcement de ces liens par l’hybridation ?
Si tu penses à des greffes d’ailes de faucon ou l’implant de branchies, je trouve cela très poétique mais, pour l’instant, chimérique. Cette question de l’hybridation me dérange car elle contient une sorte de présupposé selon lequel la combinaison des différences du vivant feraient naître de nouvelles créatures aux aptitudes toujours plus extraordinaires. Tout est dans tout. Ce que nous partageons avec les autres êtres vivants est déjà impressionnant.
Notre vision du monde dérive d’une forte spéciation qui nous pousse à nous penser comme très séparés alors même que nous sommes issus des mêmes ancêtres. Et sincèrement, je trouve cette beauté scientifique plus stimulante que d’hypothétiques hybridations. C’est magique de se dire que l’embryon d’un manchot, d’une baleine ou d’un tyrannosaure ne diffère en rien et en ses premiers instants de celui d’un humain !
À un certain moment de sa croissance, nous apercevons le fœtus humain muni d’arc branchiaux, comme les poissons ! Ceux-ci se transforment peu à peu en ce qui va constituer notre gorge, notre larynx et nos oreilles, il n’en reste pas moins que ce sont des vestiges physiologiques de l’époque où nos ancêtres vivaient dans l’eau.
Car, à nouveau il faut toujours garder à l’esprit que venons tous d’un même ancêtre ! Ce sentiment de cousinage m’émerveille et m’enivre ! Dans son ouvrage Vivre avec le trouble, la philosophe des sciences Donna Haraway rêve à de nombreux compagnonnages avec les espèces animales comme minérales.
Nous revenons à cette idée qu’il faut s’attacher à la Terre comme à un être aimé. La charger d’une affectivité pour se donner les moyens de mieux la comprendre et donc d’agir pour le meilleur. Car agir pour le monde revient à agir pour nous. Nous ne faisons qu’un.
Bruno Latour parle de diplomatie des êtres hétérogènes et de cohabitation avec le vivant. N’est-ce pas une belle idée théorique mais inapplicable en pratique ?
Ça dépend de comment on l’entend. Bien sûr, l’huître ne nous fera pas part de ses revendications pour que l’on vive en harmonie avec elle. Pour l’être humain, c’est différent. Nous sommes les seuls à pouvoir parler à la place, ou au nom, des autres vivants.
Aussi, doté de nôtre pouvoir de raison, de notre sens de l’éthique – très souvent mis à mal cela va sans dire – peut-on préserver la nature de nous-même ? Préserver la nature, c’est aussi une idée foncièrement humaine. Les forêts de sapin ne préservent pas l’environnement qu’ils acidifient. C’est un contrôle humain aussi, mais plus vertueux.
Nous pouvons en théorie générer par choix des solutions au problèmes que nous avons causé, mais en pratique, nos volontés peuvent-elles changer de cap ? Nous pouvons, par choix, décider de préserver une espèce. C’est assez unique chez les êtres vivants. Nous pouvons aussi modifier notre régime alimentaire. C’est aussi par notre humanité que nous pouvons réparer les dégâts que nous avons causés. Mais il est vrai que la tâche est immense.
Prenez le milieu océanique. Les océans sont les martyrs de notre époque : surpêche, fonte des glaces, catastrophe du micro-plastique… En archéologie, les déchets servent à reconstituer l’Histoire. Ils sont un miroir de nos sociétés. Fouillez nos poubelles, elles nous diront qui nous sommes. Aujourd’hui, la moindre goutte d’eau est une poubelle.
À Océanopolis, où je suis auteur associé, une expérience m’a frappé : on prélève de l’eau en différents endroits de la rade de Brest. On scrute ensuite les gouttes de cette eau au microscope. Apparaît tout un univers minuscule, une miniature du nôtre, peuplé d’innombrables algues, de phytoplanctons, de larves et, malheureusement presque toujours, de fibres de micro-plastiques. C’est sidérant et très angoissant de se dire que la pollution est désormais absolument partout.
Et, en demeurant invisible à l’œil nu, elle confirme l’adage que les scientifiques répètent souvent : un déchet que nous ne voyons pas est un déchet qui n’existe pas. Pour ce plastique « invisible », la prise de conscience est très longue. Et pourtant, à respecter ses équilibres, l’océan est un environnement très résilient et potentiellement inépuisable, à tout le moins d’une générosité sans frein. C’est lui le véritable poumon de la Terre. Il nous nourrit.
Plus encore, nous en sortons. Faire des océans la décharge de la planète, c’est cracher sur nos origines. Nous portons en nous-mêmes notre propre océan. L’amnios reproduit à l’intérieur de nous-même les conditions du milieu océanique que nos ancêtres ont jadis quitté. Et, je suis émerveillé par le fait qu’un être humain de 70 kg a en lui plus de 45 litres d’eau salé ! Nous avons quitté l’océan mais l’avons emporté avec nous !
Se révolter contre notre inconscience, et tenter sans relâche de bifurquer. Cette responsabilité pèse bel et bien sur nos épaules. Évidemment, la raison humaine est un pharmakon, à la fois antidote et poison, en cas de mésusage. La grande question ainsi posée à l’humanité est : comment trouver ces équilibres et les maintenir ? « Nous inventons des histoires afin de donner forme à nos questions » écrit Alberto Manguel. D’où l’importance de mettre celles que nous nous sommes posées là en récit.
Dans Le Sale Discours, David Wahl évoque la problématique environnementale des déchets. Pour traiter les conséquences souvent invisibles de nos actions, il fait appel à l’humour et à son regard décalé. Cette sensibilisation aux enjeux écologiques se poursuit également à travers une création dédiée aux enfants âgés de 6 à 9 ans : Histoire de fouilles.