Danseur et chorégraphe, Rachid Ouramdane est né en 1971 à Nîmes dans une famille aux parents analphabètes ayant fui la guerre d’Algérie. Il découvre la danse avec le hip-hop qu’il pratique dès l’âge de 12 ans en bas des tours HLM où il a grandi. Depuis, Rachid Ouramdane considère sa pratique artistique comme le moyen de repenser la société et de nourrir de nouvelles formes d’engagement.
Il fera des sujets de l’identité et de l’hospitalité des thèmes transversaux de ses recherches et créations. En 2021, après avoir codirigé le centre chorégraphique national de Grenoble, il devient directeur du Théâtre national de Chaillot à Paris où il entend ouvrir cette institution à une plus grande diversité d’artistes et de publics et ainsi donner vie à sa vision inclusive du monde.
Quelle sensation t’inspire le monde d’aujourd’hui ?
Beaucoup de peurs nous traversent. Des peurs géopolitiques avec, au cœur de l’Europe, la guerre déclenchée par la Russie à l’Ukraine. Des peurs écologiques après un été 2022 marqué par un choc climatique extrême avec des feux de forêts, des dômes de chaleur, des tempêtes d’une violence inédite, des ressources en eau qui se font rares… Des peurs quant à notre avenir politique et sociétal avec de fortes tensions liées au pouvoir d’achat ou à l’emploi.
Je remarque, peut-être plus qu’avant, que tous ces stress ne sont plus diffus et loin de nous mais envahissent nos quotidiens. Ils changent concrètement nos vies et nous poussent à inventer d’autres rapports au monde, à l’échelle individuelle comme collective. Néanmoins, je ne me résous jamais à la désillusion et à la consternation.
Je considère que chacun de nous doit demeurer en première ligne de tous ces combats, concerné et impliqué pour continuer à regarder de l’avant. Le pire serait que nous nous disloquions car les solutions ne peuvent émerger que si nous avançons tous ensemble.
N’as-tu pas le sentiment que la dislocation est déjà en cours et que la société ne cesse de se fragmenter ?
Je préfère croire que ces catastrophes et difficultés vont favoriser une prise de conscience plutôt que nous contraindre à l’immobilisme et à des retranchements qu’ils soient identitaires, économiques, politiques ou sociétaux. Je fais partie de ceux qui savent que ce chemin existe et peut être emprunté. Nous en sommes capables !
À travers les siècles, nous avons su abandonner des formes de barbarie comme l’esclavagisme, nous avons su donner plus de place aux femmes, nous avons su prendre de la distance avec des conceptions très européocentrées en mettant un terme au système colonial.
Évidemment, sur tous ces sujets, il reste encore énormément d’efforts à fournir mais il faut toujours garder en tête que ces avancées s’inscrivent dans le temps long car il s’agit de voir et d’agir autrement.
Pour faire le parallèle avec ma création, en tant que chorégraphe, je travaille par exemple avec des sportifs de l’extrême car, à force de se mettre dans des situations hors normes et hors du commun, ils finissent par envisager les notions de risque, de peur ou d’inattendu radicalement différemment.
Dès lors, quelque chose qui pouvait apparaître comme dangereux, le vide par exemple, finit par être apprivoisé. Si le risque ne disparaît jamais, il ne s’agit plus de le fuir mais, au contraire, d’en faire un complice de sa pratique en apprenant à vivre avec.
Ainsi, ils parviennent à recomposer leurs manières d’appréhender le monde en modifiant ces structures qui, sans même que nous nous en rendions compte, façonnent notre rapport au réel. Ils sont la preuve vivante que nous pouvons intégralement refonder des liens et des modes d’existence à ce qui nous entoure.
Je crois que tous les maux que nous affrontons aujourd’hui appellent à des recompositions similaires de nos approches du réel, de nos grilles de lecture et de nos manières de nous engager. Cela implique également d’accepter de se laisser transformer par les chocs que nous vivons. Malheureusement, sans ce changement complet de logiciel, nous serons constamment renvoyés à nos limites et bifurquer demeura impossible.
Depuis plusieurs années, Rachid Ouramdane travaille avec la compagnie XY qui rassemble dix-neuf acrobates et voltigeurs. Dans le spectacle Corps extrêmes, le chorégraphe met en scène une danse qui se passe avant tout dans les airs, c’est-à- dire cherchant à défier les lois de la pesanteur.
Collaborant également avec le funambuliste Nathan Paulin, Rachid Ouramdane entend faire ressentir au public, à travers des sensations fortes, combien les notions de risque, de concentration, de confiance peuvent être intégralement recomposées.
En mêlant différents univers, notamment celui du sport, et en les invitant à chorégraphier leurs pratiques sur scène, Rachid Ouramdane provoque des réflexions et émotions inattendues sur notre rapport à soi et aux autres. Au-delà de la danse elle- même, ce sont les relations au monde du corps et de l’esprit qui se trouvent remises en jeu.
Pour réaliser ce changement de logiciel, désormais urgent, dirais-tu que la radicalité doit s’imposer ?
Je suis toujours très prudent avec la radicalité. Certains sont très à l’aise avec elle mais pour ma part je crains toujours que les clivages créés ne puissent plus ensuite être dépassés ou très difficilement.
Plus fondamentalement encore, je ne vois pas comment la culture de l’affrontement et de la rivalité pourrait nous permettre de nous en sortir par le haut.
Je cherche davantage à créer les conditions de la curiosité et surtout de la paisibilité en société. Cela a toujours été ma façon de voir les choses, de penser et de produire des œuvres.
C’est pourquoi je suis très attaché aux valeurs du théâtre national de Chaillot, inauguré en 1937 pour l’Exposition internationale « Arts et Techniques dans la vie moderne ». Les mots d’art et de technique sont ici essentiels car ils mettent en lumière l’intrication entre les pratiques artistiques et les domaines du savoir.
Or, je pense que nous avons un peu perdu cette boussole. Au fil du temps, l’art a quitté le monde des savoirs pour se voir cantonné à celui de simple divertissement. Si bien sûr les arts permettent de se détendre et doivent conserver cette immense qualité, il ne faudrait surtout pas le restreindre à ce périmètre étriqué.
Ainsi, je pense par exemple que les pratiques artistiques peuvent agir avec une grande efficacité dans le milieu du soin et du bien-être. En travaillant la conscience de soi ou la relation aux autres, l’art peut fonctionner comme une thérapie et s’atteler à des pathologies d’ordre psychologique.
Quel rôle confères-tu à l’art dans nos sociétés ?
L’art ne doit plus simplement se penser comme un secteur en soi mais comme transversal à tous les secteurs qui constituent notre société : économique, touristique, numérique, éducationnel… Son rôle est alors d’imbiber et de nourrir toutes les activités humaines.
C’est précisément ce que nous faisons quand nous organisons des camps de vacances artistiques, les « Chaillot colo », pour donner l’opportunité à des jeunes issus de milieux défavorisés de vivre des expériences de vie à travers la sensibilisation à l’art.
Les sensibiliser à l’environnement dans lequel ils vivent et se déplacent. Les sensibiliser à des pratiques artistiques auxquelles ils ne sont jamais confrontés. Les sensibiliser à la connaissance de leur corps et au geste ce qui implique immédiatement des notions de contact avec les autres, d’image de soi, de représentation de soi. Les sensibiliser à la différence et à l’inclusion bien sûr.
Ici, c’est le savoir et la pratique de la danse et de la chorégraphie qui viennent agir profondément dans les processus de construction des individus.
Je prends un autre exemple. Nous accompagnons des artistes comme Faustin Linyekula qui travaille en République démocratique du Congo. C’est un artiste installé et qui développait sa création à travers un modèle économique « classique », c’est-à-dire en se produisant dans des lieux artistiques assez dotés financièrement.
Les bénéfices qu’il générait lui permettait ensuite de les réinjecter dans un centre à Kisangani pour promouvoir un accompagnement de jeunes artistes locaux engagés.
Pourtant, ces dernières années, il a fait le constat que ce modèle n’était plus viable, d’une part pour des raisons écologiques car ses nombreux voyages entraînent un très mauvais bilan carbone et d’autre part en raison d’une trop forte dépendance économique vis-à-vis des institutions culturelles.
Il a ainsi choisi de faire autrement. Dans les environs de Kisangani, beaucoup de nappes phréatiques sont très polluées et l’accès à l’eau potable représente une difficulté quotidienne qui empêche de développer des activités humaines de façon pérenne.
Ainsi, il s’est mis à produire de l’eau potable et la vend bien moins chère que les industries privées. Se faisant, non seulement il répond à un besoin vital mais il génère une économie locale en contribuant notamment à l’émancipation des populations par les pratiques artistiques, en particulier la danse, et l’éducation populaire.
À nouveau, l’art est envisagé comme un socle commun et provoque une convergence des mondes qui produit des richesses bien au-delà des seuls aspects économiques. Les pratiques culturelles donnent ici naissance à d’autres structures et modes d’organisation.
Rachid Ouramdane inscrit toujours sa pratique artistique là où personne ne l’attend, notamment en dehors des murs des institutions culturelles. En apprenant le hip-hop, il a longtemps pratiqué la danse dans l’espace public et sait le pouvoir de transformation que cela peut avoir sur la société.
Cette volonté, reflet de sa grille d’analyse du réel, se traduit par des initiatives comme Les Grands Rassemblements qu’il menait sur le territoire grenoblois, des parcours artistiques qui mettent à contribution artistes et habitants pour un autre usage de leurs environnements, urbains comme ruraux. Une approche qu’il prolonge avec l’initiative La Colline des Arts, réseau qui regroupe onze institutions culturelles du quartier.
Dans sa pièce Polices!, il fait danser des amateurs, des habitants de chacune des villes où la pièce est jouée, sur le sujet hautement polémique des violences policières et des méthodes de répression utilisées par les forces de l’ordre. À nouveau, les corps qui se meuvent dans l’espace racontent des luttes, des postures et des regards sur le monde.
Dirais-tu que dans ta vision du monde, la notion de frontières, géopolitiques comme économiques, sociales ou culturelles, n’existe pas ?
Le sujet des frontières m’intéresse beaucoup, notamment avec les projets visant à réconcilier les mémoires entre la France et l’Algérie. Dans ce cas précis, la première difficulté est de déterminer le sujet dont nous parlons vraiment.
Parlons-nous du territoire géographique ? Du pays dirigé par un gouvernement qui déploie une certaine politique nationale et qui porte un certain récit national ? D’une population qui parfois exprime son désaccord avec la représentation officielle du pouvoir ?
Puis, intégrons-nous dans cette analyse l’importante diaspora algérienne ? Et au cœur de cette diaspora, intégrons-nous la diversité des parcours et des postures face aux pouvoirs français et algérien ? Certains sont des bi-nationaux, d’autres sont algériens.
Parmi ces derniers, certains rejettent la culture française quand d’autres en sont pétris et même passionnés puisqu’ils l’enseignent… avec parfois le sentiment amer d’une hiérarchie implicite entre ces cultures. Nous voyons ici la très grande variété et richesse des identités qui composent une population.
Il m’est ainsi impossible d’avoir une perception de nos sociétés qui serait identitaire, au sens où nous nous définirions que par un rattachement administratif à une nation. Nos cultures et nos savoirs-faire sont toujours bien plus poreux que cela.
Pour te répondre encore plus directement, j’ai grandi dans une famille qui a fui la guerre d’Algérie et qui a vécu un déracinement. Je me reconnais ainsi dans des personnes qui se sont construites dans des cultures diasporiques.
C’est Amin Maalouf qui en parle très bien dans son essai Les identités meurtrières1 où il déconstruit le mythe de l’origine pure. Notre identité est une imbrication de stratifications extrêmement complexe de références et se recompose en permanence en fonction de notre environnement. C’est pourquoi les questions relatives au sentiment d’appartenance à une culture, ou à plusieurs cultures, doivent être posées avec finesse.
1. Les identités meurtrières est un essai publié en 1998 par Amin Maalouf, auteur et membre de l’Académie française, dans lequel il souhaite sortir d’une conception étroite de l’identité qui trop souvent est réduite à une seule appartenance. Sa conclusion entre parfaitement en résonance avec les propos de Rachid Ouramdane : « Il faudrait faire en sorte que personne ne se sente exclu de la civilisation commune qui est en train de naître, que chacun puisse y retrouver sa langue identitaire, et certains symboles de sa culture propre, que chacun, là encore, puisse s’identifier, ne serait-ce qu’un peu, à ce qu’il voit émerger dans le monde qui l’entoure, au lieu de chercher refuge dans un passé idéalisé. Parallèlement, chacun devrait pouvoir inclure dans ce qu’il estime être son identité, une composante nouvelle, appelée à prendre de plus en plus d’importance au cours du nouveau siècle, du nouveau millénaire : le sentiment d’appartenir aussi à l’aventure humaine. » (Retour au texte ↺)
Comment réagis-tu face à la montée des communautarismes ?
Je ne crois absolument pas à l’approche communautariste que nous renvoient les nations. Évidemment, je vois bien que ce rapport aux frontières fonctionne comme un cadre de pensée et d’action très puissant en répondant à des rapports de force tour à tour économiques, sociaux, culturels ou religieux.
Néanmoins, en reprenant les convictions de l’anthropologue et ethnologue Jean-Loup Amselle2, je pense qu’il faut laisser aux gens la possibilité de disposer de leur identité plutôt que de leur assigner. Même si cela peut apparaître parfois comme chaotique, les choses avancent, par exemple s’agissant du genre.
Certaines personnes disposent d’un corps dont les attributs physiques renverraient à une certaine sexualité et donc à une certaine identité alors que leur psychologie les renvoie à une autre identité. Permettons-nous de pouvoir changer ces assignations monolithiques et luttons de toutes nos forces contre les injonctions identitaires.
J’ajoute que trop souvent nous opposons le modèle communautariste anglo-saxon à un modèle universaliste qui serait plutôt français. Je crois davantage à une troisième voie qui serait celle du pluralisme culturel. Ce dernier modèle reconnaîtrait que nous ne pouvons qu’être un agencement et un enchevêtrement singulier d’identités diverses, toutes à protéger et cultiver.
2. Jean-Loup Amselle est un anthropologue et ethnologue, ancien rédacteur en chef des Cahiers d’études africaines. Ses recherches et études en Afrique le conduisent à souligner combien chaque culture est pétrie par des influences diverses qui forment des sociétés nécessairement multiculturelles. (Retour au texte ↺)
Est-il possible de conserver la pleine diversité des identités tout en formant une société solidaire ?
Si nous tentons seulement de nous réunir autour de « dénominateurs communs » en niant certaines différences, c’est le début de la fin ! Je ne suis pas naïf, je sais bien qu’il s’agit de mener un travail collectif pour considérer les autres dans toute leur diversité et ainsi adopter une attitude d’inclusion maximale.
Pour y parvenir, nous devons façonner des moyens d’appréhender ce pluralisme et cette complexité. Et là, je le répète, la curiosité doit devenir un maître-mot. Nous devons impérativement donner le goût d’aller vers l’autre pour faire face à l’inconnu avec plus de sérénité.
J’ai néanmoins conscience que cette vision peut être extrêmement déstabilisante. Parfois, des interlocuteurs me demandent si je prends bien la mesure que mes propos sont ceux de quelqu’un qui dispose d’une aisance au voyage et qui a cette appétence pour la culture des autres.
D’autres personnes se sont construites radicalement différemment dans la mesure où elles ont besoin de repères stables, d’ancrage, de localité. Ces valeurs leur sont primordiales. Ainsi, inviter au décentrement que j’évoquais est très perturbant car cela ne rencontre pas naturellement leur construction psychologique.
C’est pourquoi il faut savoir embarquer et partager en créant les conditions d’accès à la connaissance, seule manière de développer des liens paisibles avec les autres.
La curiosité doit ici être prolongée par l’empathie. C’est elle qui peut nous préserver des maux qui nous font tant de mal aujourd’hui et qui permettrait de développer une posture de respect pour reconnaître la différence.
Si nous parvenons à faire de la place dans nos vies à cette approche alors nous créerons les conditions de prises de conscience et d’engagements à même de changer le cours des choses.
Une grande partie de l’œuvre de Rachid Ouramdane consiste à documenter, y compris à l’échelle internationale, toutes les formes et expressions de préjugés, d’inégalités, d’oppressions et d’injustices.
Après les émeutes de 2005 en banlieue parisienne, il crée Surface de réparation, un spectacle où il met en scène des portraits de jeunes aux identités multiples. Avec Loin…, il s’intéresse aux exilés vietnamiens de retour dans leur pays. Avec Des témoins ordinaires, il s’intéresse à des personnes victimes de tortures au Brésil. Avec Sfumato, il s’intéresse à des réfugiés climatiques dans le Sichuan et Yunan en Chine ayant eu à faire face à des cataclysmes.
Toutes ces œuvres soulignent que la vision que déploie Rachid Ouramdane dépasse les défis franco-français et cherche à s’attaquer à la racine du problème : comment changer et réinventer notre façon d’être au monde ?
Comment sortir de soi, de son identité, pour rencontrer les autres ?
L’école de l’art permet cela ! L’artiste apprend à être en pleine conscience de soi notamment de ce qui l’enferme pour mieux faire éclater ses carcans qui peuvent devenir aliénants.
Être artiste, c’est se méfier de soi-même, de sa technique, de ses habitudes, de ses névroses talentueuses. Son chemin vise toujours à aller interroger les limites de son être, à aller voir ailleurs.
Cette posture de l’artiste peut-elle être transmise à toute la société ?
Absolument ! C’est pourquoi je me bats tous les jours pour l’accessibilité et la démocratisation des arts que nous mettons en valeur. Nous devons embrasser l’interculturalité en mettant par exemple en lumière les profils LGBTQ+.
L’art et la culture ont pour rôle de remettre en question les classes sociales, les identités, les rapports entre nous. J’ai été très confronté à ces sujets quand j’ai participé au programme 1er Acte3 qui s’adresse notamment à des artistes qui avaient été victimes de discriminations dans leur art.
Nous devons reconnaître que la majorité des grandes œuvres d’aujourd’hui, et c’est extrêmement troublant, ne sont pas représentatives de la démographie française. Toutes les créations doivent porter les stigmates de qui nous sommes vraiment.
Nous devons ainsi être beaucoup plus attentif à cela car si nous ne le faisons pas, nous finissons par invisibiliser certaines personnes. L’art est là pour rendre visible et ainsi construire les imaginaires de demain.
Pour revenir au terrain sociétal et politique, je dirais que certaines personnes ont une capacité inquiétante et délirante à nier « qui nous sommes », ce que la France est ! Ce refus de voir notre culture et ce maillage complexe des identités amènent à construire des murs et à des conflits inextricables.
3. 1er Acte est un programme national initié en 2014 par Stanislas Nordey et ses partenaires des Fondations Edmond de Rothschild et de la Fondation SNCF, qui vise à promouvoir une plus grande diversité sur les plateaux de théâtre. (Retour au texte ↺)
L’identité pourrait également être interrogée en fonction de l’âge que nous avons. Sommes-nous les mêmes à 10, 20, 40, 60, 80 ans ? Dans une nouvelle création intitulée Over Dance et en collaboration avec le chorégraphe Angelin Preljocaj, Rachid Ouramdane s’intéresse à la vieillesse et au corps vieillissant.
Comment un corps qui a vécu plusieurs décennies parle et partage l’expérience de toute une vie ? Comment continue-t-il d’être sculpté par le monde qui l’entoure ? Que peut-il enseigner aux plus jeunes ? En creux, ce sujet met également en lumière l’invisibilisation qui touche les personnes âgées et l’incapacité chronique de notre société à entrer en dialogue avec elles.
L’art doit-il être le lieu en société pour refonder l’hospitalité au sens où Cynthia Fleury l’envisage, c’est-à-dire comme un moyen de guérir et de dépasser le ressentiment ?
C’est mon objectif et mon rêve ultime ! C’est d’ailleurs le sujet d’étude que nous avons confié au SPEAP (Master d’Expérimentation en Arts Politiques) créé en 2010 par Bruno Latour et Frédérique Aït-Touati à l’école d’Affaires Publiques de Sciences Po.
Le SPEAP qui vient de prendre ses quartiers au théâtre national de Chaillot pour réfléchir à ce théâtre et à son rôle sous le prisme de l’hospitalité. Nos lieux de culture sont des lieux d’accueil des populations, des lieux de rassemblement, des lieux de cohésion.
La première chose que nous faisons quand nous entrons dans un lieu dédié aux arts vivants, c’est quand même celui de se rassembler ! D’ailleurs, historiquement, cette institution était un lieu de vie, un lieu où se déroulait de grands bals parisiens.
Inviter les artistes à imaginer des expériences diverses et multiples est l’engagement que Chaillot prend cette saison en proposant les « Chaillot expérience », une dizaine de temps forts conviviaux où la diversité et la créativité des arts du geste sont à l’honneur.
Ainsi, avec le collectif Yes We Camp, à l’origine du projet Les Grands Voisins, nous cherchons à actualiser nos principes fondateurs pour faire de l’art et de la culture des outils à même d’embrasser toute la complexité de nos vies.