Expérimenter d’autres façons d’être au monde pour tout changer
Entretien avec Tiphaine Calmettes
Bien au-delà de la création de nouveaux récits pour bifurquer, Tiphaine Calmettes offre la possibilité de vivre d’autres façons d’être au monde, de véritables expériences transformatrices et performatives.
Nourrie de nombreux travaux d’anthropologie, de géologie, de botanique ou de philosophie, Tiphaine Calmettes réinvente des pratiques, des gestes et des paroles pour penser, ressentir et agir autrement.
Évolutives, ses sculptures et ses installations créent de nouveaux modes de coexistence entre des éléments a priori distincts. Incluant du béton, de la terre, de la mousse et du lichen, mais aussi des empreintes de plantes, d’animaux et de parties de corps, ses œuvres activent les récits qui informent notre rapport au monde.
Elles ont été montrées notamment à La Panacée MOCO (Montpellier), à la Zoo galerie (Nantes), au CAC La Traverse (Alfortville), au Kunstwerk Carlshütte (Büdelsdorf, Allemagne), à l’École normale supérieure de Lyon, avec la Biennale de Lyon 2019, au Centre Céramique contemporaine La Borne (Henrichemont), au Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière (Beaumont-du-Lac) ainsi qu'aux Laboratoires d’Aubervilliers.
En 2020, Tiphaine Calmettes a été récompensée par le prix Aware de l’artiste émergente, un prix spécialement dédié aux jeunes artistes femmes.
Les sculptures et installations de Tiphaine Calmettes interrogent nos modes d’existence et de coexistence. Ses œuvres font ainsi émerger de nouvelles relations au monde et à tout ce qui nous entoure, êtres vivants comme non-vivants.
Tiphaine Calmettes réalise un nouvel ensemble de sculptures où l’on peut s’asseoir et goûter une larme de kombucha, boire une tisane de fleurs gardée au chaud dans le ventre d’une gargouille, se servir un bouillon au creux de croûtes de pain, sentir les effluves tièdes de toute cette cuisine, suivre les filets d’eau baver de la gueule d’un monstre, observer la luminosité ocre passée au filtre d’une mère de kombucha desséchée, palper les anfractuosités terreuses des surfaces autour…
Ces sculptures sont des assemblages d’expériences précédentes, œuvres ou rebus, qui n’ont pas fini leurs métamorphoses : certaines matières, soumises à leur propre inertie et à l’usure, glissent sous leur propre poids, ou bien, sensibles à la chaleur, elles suintent, craquellent, s’évaporent ; toutes sont vouées à se transformer encore après l’exposition.
Cette installation est une proposition d’habitation du Centre international d’art et du paysage de l'île de Vassivière à partir des énergies qui le traversent, de celles émanant de son architecture mais aussi des éléments qui font cette île, notamment le lac et les plantes. D’une salle à l’autre chaque personne est invitée à entrer en relation avec les objets présents.
Mobilier praticable, outils en fonctionnement, matières évolutives ou éléments comestibles sont autant de dialogues entre le lieu et celui ou celle qui le parcourt. Issues de collaborations avec différents savoir-faire et artisans, les formes sont ainsi chargées de partage, transmission et moments de vie, qui irriguent la pratique de l’artiste. Leur conception et mode opératoire répondent à des lois surnaturelles à partir desquelles seul le sensible peut nous guider.
Espace de recherche, d’expérimentation et de production (artisanale, culinaire et végétale), le public pourra regarder, sentir et goûter des objets comestibles, des œuvres "en devenir". Les sculptures produites évolueront chaque semaine en une exposition jamais totalement arrêtée dans sa forme mais, à l’instar du vivant, en transformation constante.
C’est à travers des réflexions artistiques, alimentaires, sociales, philosophiques et par conséquent politiques que Tiphaine Calmettes vient questionner nos usages et nos habitudes, qu’ils soient liés à notre manière de visiter une exposition, de consommer du pain, de s’asseoir à table ou plus largement, d’envisager le vivant.
Tiphaine Calmettes propose rencontres et échanges de pratiques autour de la construction d’un four à pain en terre crue dans le jardin des Laboratoires d’Aubervilliers.
De son mode de production à ses usages au quotidien, ce four à pain façonné dans le terreau d’une mémoire ancestrale, a pour vocation de constituer autour de lui une chaîne humaine faite de transmission et d’échanges et se veut un lieu de sociabilité où générations et cultures se croisent et s’hybrident.
Tiphaine Calmettes envisage également ce four comme un lieu d’émancipation collectif, où l’acquisition de nouveaux savoir-faire ouvre sur une plus grande autonomie et capacité d’agir sur nos vies.
Remonter et mettre en avant la chaîne de production des formes qui nous entourent est un point commun dans les pratiques de Tiphaine Calmettes et François Beau, qui profitent de l’invitation à intervenir dans la forêt de Liffré pour replacer un élément d’usage domestique – le fauteuil – dans son cadre d’origine.
De l’élément brut à la précision des bas reliefs inspirés de l’artisanat d’art, il et elle souhaitent renouer des liens entre l’art et l’artisanat, entre le culturel et le naturel, replaçant l’expérience esthétique au sein de son contexte de production.